Le Peintre des Femmes au long cou
La vie culturelle en Jordanie n'a rien de comparable à celle de Paris, de New-York, de Barcelone ou de Moscou. Les artistes ont perdu les traditions ancestrales de l'art oriental. L'art? On se contente de peu, on s'y intérêsse peu, on en parle à peine. Mais parfois...
Naser Abdel Aziz a peu voyagé (quelques mois à Londre), connaît mal les maîtres européens. Ses toiles pourraient avoir cent ans, avec leurs atmosphères symbolistes, mais Naser Abdel Aziz n'en sait rien: il ne connaît pas les Symbolistes.
Tout jeune enfant, il est venu grossir avec sa famille les rangs des réfugiés palestiniens, arrivés par vague à partir de 1948, suite à l'installation massive des Juifs/Israéliens en Terre Sainte et à la guerre qui en découla. Après une carrière dans les coulisses de la télé jordanienne, il enseigne aujourd'hui la peinture à de jeunes étudiants, mais cherche encore le client potentiel... Car le public local sensible à l'art se compte sur les doigts d'une main.
Minutieux, une toile lui prend plusieurs mois. "J'aime réfléchir avant de peindre" confesse-t-il, dans sa barbe timide. Sa femme et sa fille sont ses modèles, mais parfois, l'artiste nous dit que "les dames sont juste dans sa tête et qu'il les voient comme cela: avec de longs cous". Il n'a jamais trouvé aucun écho en Occident: trop classique? Trop Arabe? A-t-il seulement essayé? Les étrangers dénigrent ce "peintre jordanien de la vieille génération", mais il n'a pourtant rien à envier aux jeunes acteurs de la scène artistique à Amman.